"Sinestra" d’Armelle Carbonel
Date de publication : 7 févr. 2019 15:50:00
L’un des talents de madame Carbonel est d’accaparer un lieu, de se l’approprier, et de le faire revivre en y injectant cette ambiance dont elle seule est capable de créer. J’avais déjà eu ce ressenti avec Majestic Murder, et elle poursuit ici avec encore plus de qualité. Dans ce roman, elle investit le Val Sinestra, un hôtel thermal construit dans les Alpes suisse au début du XXe siècle. Elle le projette au milieu de la 2e guerre mondiale en y installant un duo morbide composé du Signur Guillon et de il docter. Le lieu reçoit par moment des convois de malheureux, échappés de la tyrannie allemande. Ils ont tous un point commun : ils sont malades, physiquement ou mentalement. Il y a la petite Anna, aveugle. Colette dont la main gauche se joue de son cerveau. Arthur qui a des problèmes de sommeil. Valère et son identité sexuelle (car à l’époque et pour il docter, c’est une maladie qui peut se soigner bien sûr).
En conclusion de ce pitch, je dirai que ces gens ont laissé le mal derrière eux pour entrer dans le Val Sinestra…
J’ai tendance à penser que le cinéma apporte aux sens ce qu’un livre ne peut pas faire, et réciproquement. Eh bien, madame Carbonel est la preuve que non. Cette experte en ambiance a la capacité de vous retourner la tête en glissant des filtres sépia aux effets surnaturels entre ses lignes. J’avais l’impression d’être devant un film de Jean-Pierre Jeunet et de me déplacer dans les univers décalés et cotonneux de « La cité des enfants perdus » ou de « Delicatessen ».
Je continue à penser que la plume d’Armelle Carbonel n’est pas simple et qu’elle peut laisser de côté certains lecteurs. Mais si vous êtes prêts à faire ce petit effort pour plonger dans le monde torturé de cette auteure, alors vous ferez un merveilleux voyage.
Armelle Carbonel est sans conteste, l’une des plus belles plumes, si ce n’est la plus belle, du large spectre des auteurs contemporains de thriller. Espérons juste que son imagination ne lui fasse jamais défaut.